Article paru dans l'Humanité le 9 Mars 2011
C'est un scandale !
Atteint du sida et de l’hépatite C, un homme réclame une suspension de peine pour raison médicale.
«Éric Piedoie est le type même du malade lambda qu’on laisse crever en prison », s’insurge Laurent Jacqua, responsable de la commission prison à Act Up Paris. Depuis sept mois, cet homme de cinquante-cinq ans, atteint du virus du sida et de l’hépatite C, réclame une suspension de peine pour tenter de soigner une cirrhose du foie qui le ronge. Incarcéré pour quatre ans à la prison de Grasse (Alpes-Maritimes) pour contrefaçon des œuvres du sculpteur Cesar, Éric Piedoie a reçu le soutien du Dr Pierre-Yves Dides, responsable du pôle médecine au centre hospitalier de Grasse qui intervient en milieu carcéral. C’est lui qui a signé le certificat médical indiquant que le pronostic vital de son patient était engagé s’il ne recevait pas des soins urgents. « Mais depuis, nous en sommes au cinquième ajournement, explique Laurent Jacqua. Le tribunal d’application des peines exige de nouvelles expertises. » Et devrait rendre sa décision le 30 mars prochain.
Or la loi Kouchner sur le droit des malades de 2002 permet des suspensions de peine pour des condamnés atteints « d’une pathologie engageant le pronostic vital ». Mieux, la loi pénitentiaire de novembre 2009 permet désormais dans ce même cas extrême de s’appuyer sur une seule attestation médicale établie par le médecin habilité par l’établissement pénitencier. Tout semble donc ici réuni pour permettre à Éric Piedoie d’accéder à des soins dont il ne bénéficie pas en prison. En lui accordant une suspension de peine ou un aménagement avec bracelet électronique. « Il n’est plus soigné depuis deux ans et souffre terriblement, poursuit Laurent Jacqua. Tous les certificats et expertises disent clairement que son infection VIH est stabilisée, mais que son infection par l’hépatite C n’est plus traitée depuis janvier 2009. » Éric Piedoie s’est en effet retrouvé en échec thérapeutique à l’hôpital, ce qui a considérablement aggravé son immunité. « Or le professeur Tran de l’hôpital de Nice s’est engagé à l’accueillir dans son service afin de lui faire bénéficier des dernières molécules susceptibles de soigner son hépatite », précise Laurent Jacqua. Accès aux soins mais aussi aux examens médicaux nécessaires : fibroscopie, échographie hépatique, coloscopie... « Examens dont tout malade suivi en dehors du milieu carcéral aurait droit depuis longtemps », précise Act Up Paris.
La situation subie par Éric Piedoie n’est pas un cas isolé. Si, depuis la loi de 2002, près de 500 condamnés ont pu obtenir une suspension de peine pour raison médicale, c’est le plus souvent pour mourir et non pour se soigner. En septembre 2002, un certain Maurice Papon avait pu sortir de prison, bénéficiant de ladite loi Kouchner sur le droit des malades. Une humanité de traitement dont le faussaire de Grasse semble ne pas pouvoir bénéficier.