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23 décembre 2010 4 23 /12 /décembre /2010 13:46

 

Editorial de Jean-Emmanuel Ducoin paru dans l'Humanité le 22 décembre 2010

Un droit à l’énergie !

 

Les augmentations des tarifs de l’électricité et du gaz sont le résultat des politiques menées par le pouvoir.

L’époque brutalise. Voyez un peu l’évolution des mots : « précarité énergétique », terme pudiquement employé pour évoquer l’une 
de ces réalités douloureuses en pleine croissance. À savoir l’impossibilité 
de se chauffer ou de s’éclairer, faute de pouvoir payer ses factures. Jusqu’à ces toutes dernières années, 
le phénomène était resté marginal. Mais, depuis 2008-2009, il est d’abord devenu endémique, avant de connaître une véritable explosion. Officiellement, environ 3,5 millions de personnes sont entrées dans cette nouvelle classification de la pauvreté, qui n’est, comme chacun le sait, qu’une sous-classification de la grande pauvreté tout court…

En 2000, les moins aisés consacraient 7 % 
de leurs revenus à leurs factures d’énergie. 
Ce pourcentage atteint les 15 % aujourd’hui. Et demain ? N’oublions pas que la lutte contre cette précarité énergétique est l’une des innombrables promesses non tenues du Grenelle de l’environnement. Par grand froid, dans certaines régions, un ménage sur quatre vit quotidiennement cette galère, souvent tenue secrète. 
Car, en matière 
de logement, tous les indicateurs affichent le rouge ! Pas moins de 4,5 millions de personnes sont mal logées, auxquelles il convient d’ajouter le 1,5 million en situation d’impayés et les 6,7 millions en situation dite de « réelle fragilité »… Conjugués, ces éléments forment une spirale descendante : impayés, endettement, restriction ou coupure d’énergie, problèmes de santé et isolement social… Et pendant ce temps-là ? Les Français subissent de plein fouet les augmentations des tarifs 
de l’électricité et du gaz, qui ne sont pas une fatalité 
mais le résultat mécanique des politiques menées 
par le pouvoir. Avec l’épouvantable loi Nome, 
le gouvernement a résolument fait le choix de financer 
les opérateurs privés au détriment d’EDF, ce qui entraînera de nouvelles hausses. Sans parler des tarifs 
du gaz, qui, pour satisfaire les appétits des actionnaires du groupe GDF Suez, ont grimpé de plus de 50 % 
depuis la privatisation. Oui, 50 %...

Au même titre que le logement, le droit à l’énergie est indispensable à la vie et doit être reconnu comme tel ! Des mesures immédiates et d’ampleur doivent donc s’imposer aux logiques financières : la baisse des tarifs du gaz, un moratoire 
sur ceux de l’électricité et l’interdiction pendant la trêve hivernale de l’ensemble des coupures de fourniture énergétique, comme l’a proposée récemment la communiste Marie-George Buffet au Parlement, sous forme de projet de Loi. L’État, premier actionnaire de GDF Suez et majoritaire dans le capital d’EDF, en a le pouvoir et le devoir. Mais le sarkozysme connaît-il encore l’existence de la notion même de « service public » ?

Jean-Emmanuel Ducoin

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23 décembre 2010 4 23 /12 /décembre /2010 13:39

Article de Ixchel Delaporte, paru dans l'Humanité,  le 22 Décembre 2010

 

La fée électricité n’illumine pas tous les foyers

 

Accidents de la vie, maladies longue durée, licenciements, chômage : chaque hiver, des millions de personnes se retrouvent dépourvues d’électricité, d’eau chaude et de chauffage. L’impossibilité de payer les factures se solde souvent par des coupures d’électricité non négociables avec EDF. Témoignages.

 

C’était en octobre. Et ça a duré quatre jours. « On m’a coupé l’électricité sans me prévenir. Les agents EDF sont venus jusque sur le palier, où se trouve le compteur, et n’ont même pas sonné à ma porte pour me le dire. » Au début, cette maman célibataire de trente-deux ans a cru à une coupure générale dans le HLM qu’elle habite à Sarcelles (Val-d’Oise). Elle a mis quelques heures à comprendre qu’il n’y avait qu’elle. Pourtant ce n’est pas la première fois que Laëtitia Vatel doit faire face à des menaces d’expulsion locative et à des coupures d’électricité. « J’ai reçu des lettres à cause des impayés mais je ne pouvais pas payer. Je n’avais pas d’argent. » La dette de Laëtitia auprès d’EDF s’élève à 1 000 euros.

 

plus que 202 euros pour vivre

Fonctionnaire de mairie à mi-temps, elle est gardienne du cimetière de Sarcelles. Mais son mi-temps, elle ne l’a pas choisi. C’est une conséquence de sa maladie. Elle est épileptique. Après deux à trois crises par semaine, plusieurs séjours à l’hôpital et des arrêts maladie de longue durée, elle a été forcée de prendre un mi-temps. Un mi-temps signifie une moitié de salaire, soit 800 euros mensuels. Elle a à sa charge sa fille, âgée de quatorze ans, qui a subi il y a deux ans une opération du cœur. Lorsqu’elle fait un rapide calcul, son salaire ne suffit pas à régler tous les frais. Malgré les aides au logement et un loyer modéré (311 euros par mois), tout est englouti par la mutuelle (63 euros), les frais de cantine (54 euros), l’électricité (64 euros), le gaz (plus de 100 euros)… Il lui reste 202 euros pour vivre. Laëtitia frôle et parfois plonge dans un découvert bancaire qui lui est pourtant interdit. Il y a un mois, elle a fait appel à l’assistante sociale du personnel de la mairie pour monter un dossier de surendettement. Le moratoire court sur vingt-quatre mois. La jeune femme a bien essayé de demander le RSA. Refusé. Elle a aussi demandé la prime de Noël. Refusée aussi.

En France, en 2009, on comptait 3,4 millions de foyers en état de précarité énergétique. Seuls 900 000 d’entre eux bénéficient du tarif de première nécessité du gaz ou de l’électricité. Ainsi, explique Laurent Langlard, responsable du secteur gaz de la CGT énergie, « une personne handicapée qui touche 650 euros par mois d’indemnités ne peut pas y prétendre ».

 

sans chauffage et sans électricité depuis 3 mois

C’est le cas de Simon, handicapé et séropositif. L’homme âgé de quarante-six ans vit dans un studio de 25 mètres carrés à Limoges, sans chauffage et sans électricité depuis trois mois. Simon perçoit l’allocation adulte handicapé de 200 euros. Son loyer s’élève 280 euros. Il ne paye que 30 euros de sa poche mais doit débourser en revanche 500 euros de médicaments non remboursés pour se soigner. Lorsqu’il a emménagé dans l’appartement, il y a un peu plus d’un an, l’électricité marchait. Il est resté ainsi sans payer pendant un an. Aujourd’hui EDF lui réclame 1 700 euros. « L’immeuble est pourri. Il a été occupé par des gens venus de l’Est européen qui ont fracturé les compteurs EDF. C’est pour ça qu’il y avait de l’électricité. »

Simon a demandé un échéancier pour répartir les remboursements. Il attend la réponse d’EDF. « J’ai le sentiment qu’ils jouent la carte du pourrissement. Ils attendent que je craque avec le froid. » Trois mois sans chauffage, sans eau chaude, sans électricité… Simon se débrouille comme il peut. Il prend ses repas et ses douches à l’extérieur, dans des « trucs associatifs ». « La nuit, je me couvre avec des tonnes de duvets et de pulls pour garder un minimum de chaleur. » Simon a contracté le sida et l’hépatite C au début des années 1980. Aujourd’hui, il milite à Aides pour témoigner et faire de la prévention auprès des plus jeunes.

Face à une telle détresse sociale, certains agents EDF refusent de couper l’électricité, faisant valoir leur droit de retrait. D’autres choisissent de la rétablir incognito. Cette désobéissance s’est organisée voilà une dizaine d’années autour de l’opération « Robins des Bois ». Ces agents, syndiqués à la CGT, ont choisi de ne pas appliquer les consignes de coupure par conscience citoyenne. « Ils gardent leur faculté d’indignation », poursuit Laurent Langlard. Couper l’électricité, c’est priver encore un peu plus de dignité jusque dans l’intimité du foyer ceux qui, à l’extérieur, sont déjà pointés du doigt.

 

Ixchel Delaporte

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  • : il s'agit d'un blog sur lequel paraissent certains de mes articles publiés dans le quotidien l'Humanité et les deux hebdomadaires, La Terre et l'Humanité Dimanche. J'utilise également ce blog comme moyen d'expression sur des sujets d'actualité que je ne traite pas directement à travers mes articles. Rendez-vous également sur le blog de la maison d'édition que j'ai créée : http://editionscogitoergosum.over-blog.com
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