Article paru dans L'Humanité, le 1er mars 2010
Les vendeurs de BUT veulent un salaire juste
Samedi après-midi, pendant deux heures, les salariés du magasin BUT de Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime) ont débrayé, comme ceux de 35 autres magasins de l’enseigne. Haute-Normandie
« C’est la première fois qu’il y a autant de salariés de chez BUT mobilisés », explique tout sourire Sébastien Duboc, délégué CFDT sur le site de Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime) et négociateur national. « 35 magasins sur les 200 que compte l’enseigne ont suivi le débrayage de deux heures que nous avons lancé ici, à Tourville. C’est un bon début », poursuit-il. À l’origine du mouvement, un plan social national prévoyant 49 suppressions de postes au sein de l’enseigne du « juste prix ». Sébastien Duboc a suivi dès le début ce plan et a demandé avec les autres syndicats à le négocier. Refus catégorique de la direction nationale. « Ce refus a mis le feu aux poudres et j’ai lancé l’idée à Tourville-la-Rivière d’un débrayage de deux heures qui a tout de suite été suivi d’effet dans une trentaine d’autres magasins de l’enseigne. » Les revendications ne portent pas seulement sur la remise en cause du plan social, bloqué à l’heure actuelle par la nomination d’un expert pour juger de sa légitimité. Les salariés réclament aussi une revalorisation salariale, l’octroi d’un treizième mois et de tickets-restaurant, ainsi qu’une compensation relative aux pertes subies par les vendeurs en magasin, qui sont payés largement en commissions, du fait des ventes réalisées via le site Internet de l’enseigne, qui devient dès lors leur véritable concurrent. Les conditions de travail font aussi partie des revendications des salariés, qui dénoncent les cadences infernales imposées par le sous-effectif permanent et le harcèlement à l’encontre des vendeurs pour qu’ils multiplient les ventes d’extension de garanties et de cartes du magasin. Celles-ci « rapportant souvent plus que la vente même d’un produit présent en rayon », précise Sébastien Duboc.
mise au placard
Marylène Khaldi, agent administratif à la direction régionale du magasin BUT, dénonce, elle, sa « mise au placard » depuis cinq ans. « Du jour au lendemain, on m’a retiré mes outils de travail en me disant que j’étais incompétente. Depuis, on m’a fait comprendre que je pouvais faire un abandon de poste et qu’en échange je pourrais partir avec une indemnité compensatoire de 2 000 euros. Bien sûr, j’ai refusé ! » s’indigne-t-elle. David, lui, travaille depuis plusieurs années au service après-vente (SAV) et il effectue des dépannages à domicile des appareils électroménagers. Il n’est pas syndiqué et c’est la première fois qu’il se met en grève. Il se dit « dégoûté » par sa direction « qui [nous] mène en bateau, peste-t-il. Tout va mal depuis qu’on a été rachetés (en avril 2008, par un fonds d’investissement, Goldman Sachs – NDLR). J’ai un bac pro maintenance des appareils électroménagers et je ne gagne que 1 030 euros brut par mois. Je suis payé en plus avec des primes lorsque les réparations chez les clients ont été effectuées. Mais en ce moment, je ne fais pas beaucoup de dépannages, alors le salaire est vraiment bas. » Un de ses collègues en explique les raisons : « La main-d’œuvre facturée aux clients est trop chère. Ils préfèrent alors réparer eux-mêmes ou racheter un produit neuf. » David, lui, réclame un seul salaire fixe réévalué « car, conclut-il, du fric, BUT en a ». L’enseigne, qui compte
6 600 salariés et a réalisé un chiffre d’affaires de près de 1,7 milliard d’euros en 2008, annonce d’ailleurs sans complexe, sur son site Internet, « des résultats en constante progression ».
Frédéric Seaux